Ouzbekistan

 

Je compte passer par Istambul, puis débarquer à Tachkent, la capitale, et descendre vers le sud tranquillement, en train, et choisir quelques excursions. J'ai trouvé une agence de voyage locale francophone tenue par des Ouzbeks.

Les images attendront ma visite, mais en attendant, je vous propose une aquarelle et une légende à ma façon :

SAMARKAND

A Bagdad, la ville flamboyante, le prestigieux vizir omeyyade parade au milieu de ses soldats.

Sur les trottoirs de marbre précieux, grillés par le soleil, ses mamelouks, torse nu, l’entourent en exhibant leurs muscles huilés, leurs vêtements bordés de vermeille, et leurs javelots lissés qui, par intermittences, lancent des éclats d’or.

Une silhouette haute et sombre, vêtue d’un long voile avance vers le groupe.

Sa tête est baissée et le tissu gris se penche sur son visage et le dissimule.

Elle avance sur les pavés luisants sans se presser et va croiser le vizir.

Un mamelouk s’interpose et l’arrête.

Elle lève la tête, et apparaissent les orbites vides, froides comme la nuit, les orifices nets de ses narines frémissent et sa mâchoire claque.

Le soldat recule et la Mort s’avance vers Vizir, pétrifié.

« Que me veux-tu ? Va-t-en !!»

« Tu étais plus prompt à m’aimer lorsque tu sacrifiais des armées entières par goût du pouvoir, et lorsque tu as fait empoisonner ton prédécesseur ! »

« C’est le passé tout ça ! Allah m’a pardonné ! »

« Tu en auras bientôt le la confirmation, car demain soir, je viendrai te chercher ! Et tu te trouveras devant ton dieu ! »

« Non ! Mon heure n’a pas pu sonner. Je suis le vizir de Bagdad, la plus belle ville du monde ! Mon pouvoir est sans limites ! »

« Demain soir, je viendrai te chercher ! Toute cette puissance vient de moi, car c’est la peur du néant qui pousse les humains à la gloire, à l’exploit, et aux pires des turpitudes ! »

« Mais … ! »

« Demain soir, moi la Mort, je reviendrai te chercher ! Mets-toi en paix avec ton âme et tes proches ! »

Vizir se précipite aux écuries du palais.

Il enfourche le plus robuste des destriers, celui qui est revêtu d’or et de brocard. Sa selle et ses rênes sont du plus beau damasquin de Cordoue.

Vizir le cravache avec énergie.

Tous les deux laissent la capitale du monde derrière eux en quelques instants.

Loin de la mort qui ne pourra les suivre.

Ensemble, ils dépassent les murailles cyclopéennes de la cité splendide.

Dépassent les longues caravanes de la Route de la soie, vers l’est.

Et poursuivent sur des lieux et des lieues.

Comme le vent, ils chevauchent vers la vie

La nuit venant, ils négligent les caravansérails qui allument la nuit étoilée et attirent l’étalon écumant, épuisé.

La voûte céleste s’éteint, et ils voguent toujours vers le point où se lève le soleil.

Bientôt, ils galopent sous un soleil ardent.

Toujours plus loin vers l’est.

Au soir, ils parviennent à une cité fabuleuse, entourée de remparts et de tours pansues, hérissée de dômes et de minarets plaqués de carreaux vernissés de bleu , blanc et vert, qui irradient dans le couchant.

A la porte de la ville, une princesse ourlée de bijoux éblouissants saisit les rênes du fier coursier, harassé et déjà agonisant.

« Quelle est cette merveilleuse cité ? » demande Vizir.

« C’est Samarkand, la plus belle ville du monde ! » dit-elle en le regardant.

Et Vizir reconnaît les orbites vides et glacées.

« Mais comment … ? »

« C’est à Samarkand que tu devais mourir ! C’est ici que je viens te chercher ! »

Déjà l’étalon a rendu son dernier souffle.

Vizir regarde le chemin, et les minarets qui poudroient dans la lumière du soir.